Garance
J’ai pensé au début pourvoir mieux appréhender le passage du temps, pouvoir en être témoin, voir véritablement le changement de lumière. En réalité celui-ci est beaucoup trop imperceptible, il m’aurait fallu comparer ce que je voyais à ce que j’avais vu dix minutes plus tôt. Je me suis donc amusée à passer de l’ouest et à l’est et vice-versa pendant l’heure, et j’ai pu remarquer qu’il me semblait qu’il fasse à chaque un peu plus jour de l’autre côté, comme si cette interruption de quelques secondes le temps de travers le couloir me permettait un regard nouveau sur ce que j’avais pu voir quelques minutes plus tôt.
Mon expérience du regard pendant cette heure m’a vraiment questionnée : qui regarde qui ? Alors que je pensais regarder les gens et la vie qui se déroulait sous moi, j’ai eu l’impression au bout d’un certain temps que c’était plutôt l’inverse, c’était peut-être moi finalement qui était vue et observée. Isolée dans une boîte, exposée au milieu du parc, sous les multiples regards en provenance des tours, exclue momentanément de cette vie quotidienne. Je me suis sentie soudainement vulnérable et observée. Cette hauteur prise et cette exclusion (spatiale, mais aussi temporelle) me permettait à la fois un sentiment de puissance, de pouvoir voir ce que les autres ne voient pas mais aussi le sentiment d’être minuscule, perdue au milieu d’un monde qui me dépasse. À un moment, comme par magie, en observant une personne et son chien, celle-ci s’est retournée et a levé les yeux vers moi un instant. Comment avait-elle deviné ma présence ? Est-ce qu’elle a senti mon regard ? Son regard m’a en tout cas fait passer d’une position d’observeuse à observée à mon tour.