Claude
« Ce matin, à l’heure dite, le soleil n’est plus là !
Le ciel fait un solide couvercle de ferraille qui laisse juste sauter une fragile lumière oxydée. Hubert, le veilleur attendu du jour, n’est pas là non plus. Je le remplace dans la cabane.
Les vitres maculées de gouttes deviennent spéculaires et dressent un miroir magique qui rend visible l’invisible. Je vois dans la glace l’invisible Hubert. Dans cet espace et le temps délimités qui lui sont destinés, je deviens Hubert.
Je respire doucement l’air humide d’Hubert. Il coule tout le long de ma gorge et insuffle jusqu’au tréfonds de mes poumons la vie d’Hubert. Mon regard, par les yeux d’Hubert, se noie peu à peu dans son paysage. La réalité s’estompe dans l’insaisissable écran de pluie, tout devient fantomatique et ma propre incarnation vacille. Je suis moi et autre à la fois.
Mon pied glisse sur le plancher en contact intime avec le bois. Le plaisir de ressentir des sensations perdues de l’enfance, l’éprouvé de la chair tendre contre les robustes sapins, la luminance fragile de la peau qui résiste à la sombre marée des nuages…
Pierre, Paul, Jacques qui s’éveillent dans les immeubles en lisière du parc.
Je relace mes baskets.
Mes baskets à moi. »
Claude