Témoignages

Année #1, La Maison populaire

La Maison du parc du 02/10/2021 au 02/10/2022

Garance

jeudi 10 février 2022 à 08 h 06

J’ai pensé au début pour­voir mieux appré­hen­der le pas­sage du temps, pou­voir en être témoin, voir véri­ta­ble­ment le chan­ge­ment de lumière. En réa­lité celui-ci est beau­coup trop imper­cep­ti­ble, il m’aurait fallu com­pa­rer ce que je voyais à ce que j’avais vu dix minu­tes plus tôt. Je me suis donc amusée à passer de l’ouest et à l’est et vice-versa pen­dant l’heure, et j’ai pu remar­quer qu’il me sem­blait qu’il fasse à chaque un peu plus jour de l’autre côté, comme si cette inter­rup­tion de quel­ques secondes le temps de tra­vers le cou­loir me per­met­tait un regard nou­veau sur ce que j’avais pu voir quel­ques minu­tes plus tôt.
Mon expé­rience du regard pen­dant cette heure m’a vrai­ment ques­tion­née : qui regarde qui ? Alors que je pen­sais regar­der les gens et la vie qui se dérou­lait sous moi, j’ai eu l’impres­sion au bout d’un cer­tain temps que c’était plutôt l’inverse, c’était peut-être moi fina­le­ment qui était vue et obser­vée. Isolée dans une boîte, expo­sée au milieu du parc, sous les mul­ti­ples regards en pro­ve­nance des tours, exclue momen­ta­né­ment de cette vie quo­ti­dienne. Je me suis sentie sou­dai­ne­ment vul­né­ra­ble et obser­vée. Cette hau­teur prise et cette exclu­sion (spa­tiale, mais aussi tem­po­relle) me per­met­tait à la fois un sen­ti­ment de puis­sance, de pou­voir voir ce que les autres ne voient pas mais aussi le sen­ti­ment d’être minus­cule, perdue au milieu d’un monde qui me dépasse. À un moment, comme par magie, en obser­vant une per­sonne et son chien, celle-ci s’est retour­née et a levé les yeux vers moi un ins­tant. Comment avait-elle deviné ma pré­sence ? Est-ce qu’elle a senti mon regard ? Son regard m’a en tout cas fait passer d’une posi­tion d’obser­veuse à obser­vée à mon tour.

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